Accélération de la dématérialisation de la monnaie

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Une société sans cash, une utopie ? En tout cas une orientation déjà bien engagée au vu du plan de lutte contre le terrorisme qui restreint les paiements en espèces et la promotion du paiement sans contact par les pouvoirs publics.

Depuis 2010, la rumeur de la disparition de la monnaie physique s’amplifie. De nombreux papiers font l’éloge des pays d’Afrique comme le Kenya ou le Somaliland où les paiements du quotidien, de l’achat des oranges au versement des salaires s’effectuent par téléphone mobile. En Europe, la Pologne fait figure d’exemple vertueux du paiement sans contact.

Déjà, les grosses coupures ne sont quasiment plus en usage en France, les billets de 500 € et 200 € étant désormais le signe des trafiquants et refusés dans la plupart des magasins. Une société sans cash est instillée dans les esprits, hier au nom de la lutte contre l’argent sale, puis contre l’évasion fiscale, aujourd’hui contre le terrorisme, mais toujours sous couvert d’intentions positives, pour le bien de tous.

Les banques voient aussi depuis longtemps le paiement sans contact comme la solution au problème du coût de la monnaie papier. Seulement une telle réforme des usages ne peut réussir sans l’assentiment des consommateurs, lesquels ne se montrent pas aussi enthousiastes que Bercy.

Limiter l’usage du cash dans l’économie, un programme officiel

C’est précisément dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme que l’actuel ministre des Finances, Michel Sapin, a annoncé le 18 mars 2015 une série de mesures afin  » …que les opérations financières soient mieux renseignées, qu’elles laissent plus de traces« . L’objectif de transparence des échanges qui ont lieu sur le territoire français est officiel jusqu’à être mis en image par une infographie. Son titre, “Limiter l’usage du cash dans l’économie” est immédiatement soutenu par la justification que “la circulation d’une trop grande quantité d’espèces, et plus généralement, de moyens de paiements anonymes, limite la traçabilité des transactions et favorise les trafics”. Qui irait contre ?

C’est ainsi que, parmi ses huit dispositions, le plan de lutte contre le terrorisme limite pour tout le monde le montant des achats et retraits en espèces.

Concrètement, à partir du 1er septembre 2015, le plafond des achats en espèces sera abaissé à 1 000 euros pour les résidents Français contre 3 000 euros aujourd’hui.

Pour les retraits d’espèces, les banques devront signaler auprès du Tracfin « tout dépôt ou retrait d’espèce supérieure à 10 000 euros par mois ». Comme cela suppose une mise à jour des systèmes d’information des établissements financiers, l’entrée en vigueur est ici reportée au 1er janvier 2016.

Le problème n’est évidemment pas strictement français et Bercy s’inspire des expériences réussies de l’Italie et de l’Espagne. Notre ministère des Finances et des Comptes publics prend soin de préciser que les paiements en espèces sont toujours autorisés, sans limitation de montant, entre les particuliers dans un cadre privé.

 

Le paiement sans contact plébiscité par Bercy

Pas plus tard que le 10 avril 2015, la secrétaire d’État en charge du Numérique, Axelle Lemaire, tenait une conférence de presse sur les bienfaits du paiement sans contact, jugé plus simple, plus rapide et sans risque de fraude. Il est entendu que les Français l’adopteront très prochainement. Conçu par Gemalto, il suffit de passer sa carte ou son smatphone à 4 cm d’une borne et les achats sont réglés en quelques secondes. Plus de code, plus de trou de mémoire, plus d’attente. L’acquisition instantanée.

En France, le paiement sans contact arme actuellement 30 millions de cartes bancaires et les usagers en sont satisfaits (94% à 98%) selon Olivier Piou, directeur général de Gemalto. La disponibilité de ce moyen de paiement sur smartphone devrait en faciliter la généralisation.

Toutefois, ce système connaît plusieurs limites, à commencer par le faible montant de transaction autorisé de 20 € et l’équipement lacunaire des commerçants. Seuls 20% de nos boutiques disposent d’une borne de paiement sans contact. Bercy souhaite/ordonne que les commerçants s’équipent rapidement, l’objectif déclaré par Olivier Piou étant d’étendre le dispositif à l’ensemble de la population d’ici fin 2016. Et si les acteurs de la filière ne collaborent pas, prévient Axelle Lemaire, “des startups de la #FrenchTech viendront faire le travail”. Cela ne se discute donc pas. Or, comme tout ce qui ne se discute pas est une provocation, d’autres limites tiennent à la population française, résistante dans l’âme.

 

Les Français, leur liberté et leur argent

Parler comme d’une évidence de la généralisation du paiement sans contact, c’est sans compter sur l’aversion des Français à tout ce qui ressemble à une perte de liberté et à une prise de risque.

Certains dénonceront d’abord la numérisation de l’intégralité des données liées aux habitudes de consommation et de fréquentation, facilitant un contrôle insupportable de la vie privée par tout organisme.

D’autres pointeront la vulnérabilité des données bancaires insuffisamment protégées sur les cartes et smartphones, la CNIL ayant d’ailleurs demandé aux banques d’intégrer la faculté pour le client de refuser le système.

Aussi, les ambitions du ministère des Finances vont se heurter à l’immense majorité des Français (91%) qui recourent aux espèces pour régler leurs achats quotidiens. D’après l’enquête de l’Ifop pour Brink’s France, entreprise de transport de fonds évidemment plus favorable au maintien des espèces, 86% des personnes interrogées se déclarent opposées à la disparition de l’argent liquide au profit d’autres systèmes. L’illustre l’échec du porte-monnaie électronique Moneo qui fermera définitivement cet été les cordons de sa bourse. Les chargements de cartes ne seront plus possibles après le 30 juin et les guichets distributeurs en rembourseront les soldes jusqu’au 28 juillet 2015.

Le PDG de Brinck’s France, Patrick Lagarde, fait partie de ceux qui considèrent que la disparition du cash est une utopie. L’étude de l’Ifop montre non seulement l’attachement des Français aux espèces, mais surtout à la liberté des paiements. Cet attachement au liquide n’est pas non plus pathologique, seuls 15% des transactions sont réglés par cash, ce qui nous positionne parmi les 5 derniers du classement européen.

Paranoïaques, rétrogrades, toutes les injures attendent les réfractaires, soupçonnés d’avoir quelque chose à cacher pour redouter autant la disparition des espèces. Ce jour-là, en effet, le stock de lingots d’or dans la marmite et les coupures des loyers non déclarés perdront toute valeur. Sauf à l’intérieur de communautés où de tels échanges resteront valables. Hypothèse qui suppose l’existence de territoires fonctionnant entièrement sur une économie parallèle, ce que le gouvernement acceptera ou pas, au risque de bafouer le principe d’une République une et indivisible.

 

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